Un modèle agricole à bout de souffle

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Comment ne pas comprendre la colère du monde agricole qui monte aujourd’hui en France et dans d’autres pays européens ?

Le CMR, Chrétiens dans le monde rural, parce qu’il est fortement ancré sur les territoires ruraux et compte nombreux agriculteurs et agricultrices parmi ses membres, constate depuis de nombreuses années les inégalités et incertitudes croissantes, la précarité, l’isolement et le désespoir de personnes écrasées par les dettes. Également la perte de sens d’un métier pourtant indispensable à la société, dont l’un des marqueurs est le nombre croissant de suicide dans cette profession (on parle de 1 par jour).

Que nous révèle cette crise ?
– Un système économique, basé sur des accords de libre-échange et leur capacité à exporter partout dans le monde, ce qui appauvrit et fragilise des femmes et des hommes en France et au-delà
– Une appropriation, voire une privatisation au profit de quelques-uns, des biens communs universels que sont la terre et l’eau
– Une aliénation de la dignité de chaque homme et chaque femme
– Une marchandisation toujours plus importante de l’agriculture, alors que son rôle premier est de satisfaire une fonction principale : se nourrir correctement avec une alimentation de qualité
– Une nécessaire prise en compte du réchauffement climatique, qui demande une adaptation inévitable et urgente de tous nos systèmes d’activités, y compris dans l’agriculture.

Le CMR se veut être force de proposition et propose ainsi de bâtir ensemble une éthique pour une culture agricole et rurale, soucieuse de satisfaire les besoins alimentaires sur tous les territoires, avec une gestion du milieu vivant pour le bien de l’humanité, dans le respect du bien commun, de sa richesse et sa diversité et dans le respect de la dignité des personnes.

Pour cela, le CMR en appelle à la responsabilité :
– Des consommatrices et consommateurs que nous sommes, tous prêts à nous interroger sur les conséquences de nos façons de consommer pour les producteurs d’ici et d’ailleurs et l’environnement.
– Des citoyennes, des citoyens à interpeller les députés, à questionner les orientations en matière d’agriculture et d’environnement pour la préservation du vivant sous toutes ses formes (Les élections européennes approchent , quels enjeux? quelles orientations? )
– Des agricultrices et agriculteurs dans leurs interrogations sur les conséquences de leurs façons de produire, de valoriser et de vendre leurs produits, pour les humains et la nature.
– Des organisations agricoles et para-agricoles dans la mise en place des moyens humains pour accompagner les agricultrices et agriculteurs dans le changement de leurs pratiques culturales en vue d’une agriculture qui réponde mieux aux défis du dérèglement climatique, aux défis environnementaux et aux enjeux de justice sociale et de sécurité alimentaire (notamment par le développement d’une agriculture paysanne résiliente)
– Des organisations coopératives en particulier, en vue de retrouver ou de réaffirmer le sens de la solidarité qui les a fait naître,
– Des structures de transformation et de distribution afin de restituer à leurs fournisseurs que sont les paysans, la part de la valeur ajoutée qui leur revient dans une logique de juste prix (application de la loi Egalim)
– Des pouvoirs politiques et publics pour assumer le rôle de régulateur garant du bien commun qui leur incombe, du local au global
– De la société civile qui a un rôle à jouer pour inciter et soutenir les pouvoirs publics à agir en matière de régulation des marchés agro-alimentaires et de politiques de souveraineté alimentaire.

Nos pistes d’action :

1. Réduire la charge administrative trop pesante. Nous proposons que les agricultrices et les agriculteurs définissent eux-mêmes leur cahier des charges avec des mesures adaptées à leur exploitation.
2. Proposer un système qui permettrait de stabiliser les revenus. On a parlé d’assurance revenu mais qu’en est-il à ce jour ? Il y a une loi Egalim que le gouvernement ne fait pas respecter, il y a de la concurrence déloyale avec les importations de denrées produites dans des conditions qui ne sont pas autorisées en France.
3. Mettre en place un système de régulation des imports/exports qui éviterait de nuire autant à l’agriculture française qu’à celle du pays exportateur
4. Permettre une retraite décente en réduisant la fiscalité et en réadaptant le régime de cotisations sociales spécifiques qui oblige à cotiser à une caisse de retraite complémentaire si leurs revenus le leur permettent.
5. Redéfinir la place et le rôle de l’agrofourniture et de l’agroalimentaire.
6. Encourager l’autonomie des systèmes de production, l’accompagnement à la transition écologique et les circuits courts.

Le CMR est un lieu propice pour vivre ces débats actuels, passionnés, mais dans le discernement. Comme citoyens, mais aussi comme chrétiennes, chrétiens, comment ne pas nous laisser interpeller par l’Evangile, comment ne pas répondre à l’appel du pape François qui nous demande de prendre soin de « notre maison commune », de prendre soin des femmes et des hommes qui l’habitent ! Le CMR réaffirme son soutien aux paysannes et paysans, dans leur diversité.

Les co-présidents nationaux du CMR