A qui appartient le vivant ?

« Aujourd’hui, c’est le printemps, nous partons nous promener avec les enfants, Lucas ramasse quelques fleurs, coquelicots, boutons d’or,… aidé de sa sœur. Au détour d’un chemin, nous croisons la brigade des brevets, après une expertise rigoureuse de notre cueillette, il s’avère que certaines fleurs ramassées par les enfants contiennent des substances brevetées par des multinationales. Nous sommes sous le choc. Nous écopons d’une amende et devons verser des royalties aux firmes en question. Notre journée est gâchée, nous nous sentons dépossédés d’une nature que nous fréquentons depuis des années. Nous nous interrogeons, comment a-t-on pu laisser faire ? »

Heureusement, pour l’instant ceci n’est que pure fiction, mais pour combien de temps ? Où va-t-on ? Quel monde voulons-nous ? La question de l’appropriation du vivant par les brevets est complexe, mais urgente. En tant que citoyens nous devons nous informer, pour que demain ce qui est aujourd’hui fiction ne devienne pas la réalité.

Le mouvement Chrétiens dans le Monde Rural est engagé depuis plusieurs années dans une réflexion sur ce thème et souhaite sensibiliser la population à cette question, afin de permettre à chacun de se faire son propre jugement.

Les fédérations CMR de la Vienne, des Deux-Sèvres et de Charente-Maritime vous invitent donc le samedi 11 décembre à une journée d’information de 10 h à 16 h 30, à la maison du Peuple de Poitiers (Vienne). Les intervenants seront :

• Alain Claeys, maire de Poitiers mais également rapporteur parlementaire en 2001 et 2004 sur la question de la brevetabilité du vivant,

• Frédéric Bouchareb, délégué régional de l’association Agronomes et vétérinaires sans frontières (AVSF),

• Yves Manguy, militant pour le droit à la reproduction des semences agricoles.

La journée sera animée par Pierre Careil, permanent du CMR national chargé des questions d’agriculture et de brevetabilité du vivant.

Contact : Pierre Careil – Tél. : 01 6973 19 54 – Courriel : pcareil@cmr.cef.fr

Pour en savoir plus

Cela fait maintenant plusieurs décennies que de grandes firmes multinationales s’approprient le vivant, en déposant des brevets sur des espèces, surtout végétales, ou sur des parties d’espèces (animales ou végétales). Il s’agit surtout de brevets déposés sur des gènes ou sur des principes actifs. Certains de ces gènes sont issus de modifications génétiques, mais d’autres existent à l’état naturel, les multinationales n’ont fait que les isoler et leur trouver une propriété inconnue jusque là. Une fois le gène isolé et sa propriété avérée, le gène peut être breveté (selon toutefois certaines conditions). Qui dit brevet dit jackpot ! Chaque personne qui voudra utiliser le gène ou une plante dans lequel se trouve ce gène devra verser des royalties à la firme possédant le brevet.

Déjà, certaines régions du monde sont victimes d’une véritable « biopiraterie ». Ainsi, un américain a fait breveter aux Etats-Unis une variété de haricots jaunes, qu’il dit avoir créée, mais qui est utilisée depuis des millénaires par les mexicains. En Inde, une substance active qui se trouve dans le margousier suscite l’intérêt de grandes firmes ; le margousier est pourtant utilisé depuis la nuit des temps dans la pharmacopée traditionnelle. Les exemples sont variés mais tous ont le même résultat : sous prétexte de découverte de tel ou tel gène ayant telle ou telle propriété, on dépose un brevet, et on devient « détenteur » de ce gène, peu importe où on le retrouve.

En agriculture, la question des semences est aussi grave. Les paysans n’ont pas le droit de vendre ni même d’échanger gratuitement leurs propres semences. Le fait de ressemer le grain récolté ou de planter ses propres boutures est en partie toléré, mais de plus en plus taxé et surveillé.