APPRENDRE … à écouter

« Ecoutes-moi ! », « Mais tu ne m’écoutes pas ! », « Quand vas-tu écouter ce que je te dis ? », « Tu comprends ce que je veux dire ? » Dit-on parfois avec un sentiment d’inquiétude, d’impatience ou une attitude d’agacement … Combien de fois par jour avons-nous l’impression que nous ne sommes pas écoutés, ni compris dans nos besoins et nos demandes, allant jusqu’à qualifier telle communication de « dialogue de sourds » ?


Notre fédération CMR s’est donnée les moyens de former ses membres dans une société où tout va si vite, où l’on recherche l’efficacité à tout prix, dans laquelle il est difficile de s’écouter et de se comprendre. La demande émanait des Membres et le Conseil d’Administration a répondu en décidant un programme de formation-action ambitieux pour mieux vivre notre vie d’équipe.

Quelles sont les motivations des participants à ces sessions ?
Paule Marie nous partage en début de stage : « Je suis venue parce que mes petits enfants me disent : tu n’écoutes pas ce que je dis ! » ; quant à Pierre : « Quand mon épouse me parle, elle me fait remarquer que je termine systématiquement ses phrases … », comme des Membres d’anciennes équipes « nos équipes s’usent, comment redonner plus de rigueur dans nos démarches ? » En général, les personnes ont conscience de leurs difficultés à écouter y compris dans le milieu professionnel.

Soixante treize personnes représentatives des membres de nos équipes
Par groupe de 12 personnes pour permettre un travail en profondeur, un travail d’expérimentation, soixante treize membres ont été formés de 2004 à 2006.. La composition de ces groupes représentait la diversité des personnes qui composent habituellement nos équipes, diversité d’âges, de situations socio-économiques : infirmières, professeurs et professeurs des écoles, mères de famille, grands parents, agriculteurs, ingénieurs, consultants, élus communaux, éducateur, animateur en pastorale, aide familial rural, permanents du Mouvement, etc … Cette hétérogénéité des participants démontre que l’écoute n’est évidente ni facile pour personne.

Pourquoi apprendre à écouter ? Pourquoi est-ce si difficile d’écouter l’autre ?
Il est effectivement difficile d’écouter car l’ »écoute » n’est pas une faculté naturelle. Notre tendance instinctive est de nous fermer à l’autre de peur qu’il vienne « déranger », déstabiliser notre « monde intérieur », notre équilibre émotionnel et psychique. L’écoute est un don que peut-être nous avons perdu. L’écoute s’acquière par un apprentissage et c’est pourquoi le CMR a proposé une « Initiation à l’écoute » dans un programme de formation de deux demi-journées, le dimanche matin, visant à améliorer nos relations interpersonnelles, suivie de deux nouvelles demi-journées d’ »Approfondissement » essentiellement portée sur la vie d’équipe.

Etre à l’écoute de soi pour pouvoir offrir sa présence à l’autre.
Nous avons pu découvrir ensemble au cours des deux sessions que la véritable écoute ne se limite pas à l’audition, mais qu’elle passe par la présence juste, le ressenti, les émotions, et que, par là même, elle permet de désamorcer toute violence relationnelle.
Au cours d’expérimentations nous avons pris conscience de la nécessité d’être à l’écoute de soi pour pouvoir offrir sa présence à l’autre.

Une formation basée sur l’expérimentation :
A partir de nos pratiques, nous démontons le mécanisme d’écoute, cela surprend les stagiaires : être à l’écoute de soi d’abord, être au clair avec soi-même, puis dans un deuxième temps seulement, faire effort pour « aller » chez l’autre qui me parle. Cela demande un véritable travail sur soi. Très vite nous prenons conscience que notre mode de vie ne nous aide pas à être disponible pour l’écoute et la relation à l’autre. La disponibilité physique et mentale, la concentration, l’écoute de soi et de son environnement sont des éléments à découvrir ou à redécouvrir pour pouvoir être en capacité d’écoute.

En quoi consiste la pratique de l’écoute ?
Dans le stage, nous l’expérimentions en trinôme. On s’aperçoit que l’écoute passe par nos sens qui captent le verbal et le non-verbal. Le non-verbal nous renseigne davantage sur l’état émotionnel de l’ »écouté ». D’autre part, pour se mettre en écoute, nous découvrons qu’il faut un minimum de conditions requises : des lieux, des moments, des dispositions intérieures telles que la volonté qui suppose un engagement, la patience qui suppose disposer de temps et la curiosité qui suppose vouloir « apprendre quelque chose de l’autre ».

Qu’est-ce que je ressens quand j’écoute l’autre ? Mes émotions présentes m’indiquent où j’en suis dans la satisfaction ou non de mes besoins. Pourquoi suis-je en colère quand l’autre me parle ? Vient-il me heurter dans mon besoin de repos, de calme, de paix, ou, dans mes valeurs, mes convictions ? Ou bien vient-il réveiller en moi quelque chose que je ne peux pas entendre ?
Au clair avec moi-même, je peux lui répondre de façon adéquate et juste, c’est-à-dire qui respecte aussi bien l’autre que moi-même.

Analysons la qualité de notre écoute personnelle, en famille ou en équipe en répondant à ces deux questions : Est-ce que, dans mon écoute, je laisse à l’autre la place pour ce dire ?
Est-ce que je laisse à l’autre l’opportunité de se sentir libre ?

Une initiation à l’écoute immédiatement applicable dans notre vie :
Il est demandé à chacun des participants de travailler sa propre écoute entre les deux sessions en observant ce qui se passe dans ses communications personnelles familiales, sociales ou professionnelles et en les consignant dans un « carnet de bord ».
Dès la seconde session, les reprises de groupes ont révélé de nets progrès dans la pratique de l’écoute au sein du couple, dans les relations avec les enfants par la mise en place des principes expérimentés et appris durant la formation.

La D.R.C.* privilégie la prise de parole, elle présuppose une véritable écoute.
C’est à partir de la D.R.C. que nous avons bâti la deuxième formation dite «d’approfondissement » de l’écoute.
Le CMR offre cette chance précieuse aujourd’hui de permettre à des personnes de pouvoir s’exprimer au « Je » et d’être écouté dans leur « Je », sans jugement, sans a priori. Seule condition pour permettre aux personnes de grandir humainement et spirituellement. L’écoute active prend ici toute sa place.

Travailler notre « écoute » ne peut qu’améliorer notre vie en équipe. Les partages de vie et le partage de nos convictions n’y sont-ils pas essentiels et la raison d’être de notre Mouvement ? Nos équipes ne sont-elles pas un lieu privilégié pour se dire, pour s’écouter afin de permettre à chacun de grandir sur des chemins de partage, de solidarité et de foi ?
En effet, à la troisième étape de la DRC, ne sommes-nous pas invités, également, à nous mettre à l’écoute de la Parole de Dieu. Qui est ce Dieu qui écoute (Ps 4 ; 5 ; 17, 28, 61, 64) et qui invite son Peuple à « Ecouter » (Dt 6, 3-9) ? Sans aucun doute, travailler à la qualité de notre écoute des Membres de notre équipe porte un enjeu essentiel quand on voit Jésus donner sans cesse la parole aux personnes qu’il rencontre.

L’écoute est aussi une action d’Eglise. Devenir disciple, c’est être au service de la Parole, c’est donner la parole. Repérer et apprendre les différents types d’écoute à pratiquer selon les étapes de la D.R.C., se révèle nécessaire dans la mesure où la démarche donne la parole. Cela signifie bien que le CMR, (l’Eglise), porte attention sur tel ou tel aspect de la vie des personnes, de la société et du monde.

Il faut être en mesure d’écouter, les enjeux sont très importants. Oser croire que par notre écoute et par l’écoute des équipiers … c’est Dieu lui-même qui fait son œuvre d’écoute ! Nous devenons signe visible de l’écoute de Dieu … N’oublions pas que l’ambition de nos partages d’équipe est que quelque chose de Dieu se dise au monde.

En équipe, nous nous mettons à l’écoute de la Parole de Dieu !
Durant la formation à l’écoute, nous regardons comment Jésus est à l’écoute des personnes qu’il rencontre ou qui viennent le voir à partir du texte de la guérison de l’aveugle Bartimée – Lc 18, 35-43). Ce texte en dit long sur l’écoute de Jésus : une attitude d’écoute responsabilisante et respectueuse de la liberté de l’écouté.

Nous expérimentons comment se mettre à l’écoute de la parole de Dieu à partir de textes écrits il y a plus de 2000 ans ; nous expérimentons comment cette parole est actuelle, vivante pour nous aujourd’hui.

Cette initiation à l’écoute, une 1ère action de formation d’un ensemble :
Cette formation à l’écoute n’est pas une formation « en soi » qui viendrait répondre à des demandes de développement individuel, tel que notre époque nous y invite. Cette formation s’inscrit dans un programme ambitieux pour stimuler et améliorer la vie d’équipe : formation à l’écoute, à l’animation d’équipe et à la D.R.C. L’objectif de ces formations est bien d’encourager et de favoriser « la vie d’équipe », c’est-à-dire promouvoir le partage et le collectif qui engendrent des solidarités et combattent l’individualisme.

Comme chrétien, nous nous référons à un Dieu qui écoute. L’écoute fait advenir la parole de l’autre ! A l’exemple du Christ, celui qui sait écouter deviendra celui que l’on écoute. C’est tout l’enjeu d’un mouvement comme le CMR.
André RUCHOT,
Formateur des sessions à l’écoute

*Démarche de Réflexion Chrétienne
Qu’est ce que je retire de ce parcours ? Quelques échos des participants :

« Je pourrai prendre du recul par rapport à n’importe quelle situation où je suis amenée à écouter »
L’importance d’être bien avec soi pour se mettre à l’écoute
Jésus : un homme qui écoute
Comment mieux vivre en équipe et appliquer une meilleure écoute dans les différentes étapes de la DRC
Une formidable envie d’écouter l’autre
Une prise de conscience de toute l’importance de la démarche d’équipe : ses enjeux, conséquences
L’importance de la parole : libératrice de vie, constructive de l’humanité
Ce stage fut constructif, et chacun de nous a pu s’exprimer, échanger, être écouté !
Pour écouter, il faut savoir « se taire », ne pas vouloir anticiper sur ce que l’autre veut dire