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  • PAC post-2020 : Une autre politique agricole et alimentaire commune (PAAC) s’impose

    PAC post-2020 : Une autre politique agricole et alimentaire commune (PAAC) s’impose

    Monsieur le président de la République,

    Demain, vous négocierez avec vos homologues européen·ne·s le cadre financier pluriannuel 2021–2027 et le plan de relance de l’UE. Ces négociations peuvent apporter une réponse européenne forte à l’épisode qui a gravement éprouvé notre continent. La crise liée au coronavirus a révélé nos fragilités et le besoin de politiques publiques solides pour relever le défi écologique, garantir l’autonomie alimentaire et la justice sociale. Parce qu’elles sont au carrefour de nombreux enjeux, l’agriculture et l’alimentation doivent façonner les projets du « monde d’après ». Or la Politique agricole commune (PAC), outil majeur d’orientation de nos systèmes agricoles et alimentaires, est en pleine renégociation.

    Ensemble, les 43 organisations membres de la plateforme Pour une autre PAC l’affirment avec gravité : la proposition de réforme de la PAC au niveau européen est loin d’être à la hauteur des enjeux révélés par la crise. Premier pays bénéficiaire de la PAC, la France a la responsabilité d’être force de proposition pour une véritable refonte de la PAC en vue d’affronter efficacement les défis que nous vivons et qui nous attendent. C’est ainsi que la prochaine PAC devra répondre à trois défis inéluctables et interconnectés.

    Il s’agit tout d’abord de placer la souveraineté alimentaire [1] de l’UE au centre d’une véritable Politique agricole et alimentaire commune (PAAC), par laquelle la production agricole serait mise au service d’une alimentation choisie, diversifiée et durable, accessible à toute la population. Cet impératif, mis en lumière par la crise du coronavirus, est strictement incompatible avec un système appauvrissant les paysan·ne·s dans lequel les produits alimentaires sont vendus à des prix toujours plus bas. Il n’est pas davantage compatible avec la signature d’accords de libre-échange exposant à une concurrence déloyale aussi bien les paysan·ne·s européen·ne·s que celles et ceux des pays du Sud. Une PAC qui a pour seul objectif les prix bas pour les consommateur·rice·s est une impasse. Une PAC qui « [délègue] notre alimentation à d’autres est une folie » [2].

    En parallèle, la PAC doit repenser la logique d’attribution des aides, pour valoriser les bienfaits générés par les fermes plutôt que leur surface. Aujourd’hui, en matière d’emploi, la PAC est la principale raison de la diminution du nombre de paysan·ne·s et du non-renouvellement des générations, dans la mesure où une grande majorité de son budget est distribuée en fonction des surfaces, sans plafonnement du montant attribué selon le nombre de paysan·ne·s travaillant sur les fermes. Pourtant, avec la moitié des agriculteur·rice·s partant en retraite dans les dix années à venir, l’agriculture constitue un réservoir d’emplois extrêmement important. Sortons de la logique de paiements à l’hectare non ciblés, plutôt que de pérenniser une politique de rente inacceptable dans un contexte de récession économique !

    Pour finir, il est indispensable que la prochaine PAC accompagne massivement la transition agroécologique des fermes, en dédiant au moins 50% de ses financements au maintien et au développement de systèmes agricoles favorables à l’environnement et au bien-être animal, tels que l’agriculture biologique. Une transition massive de l’agriculture européenne suppose un budget fort pour le 2e pilier de la PAC, construit et géré en bonne intelligence entre l’État et les régions. Dans cette perspective, les intentions affichées par le Pacte vert, en matière de réduction d’utilisation de pesticides, d’engrais azotés et d’augmentation de la part d’agriculture biologique constituent des étapes importantes pour le climat et la biodiversité. Or sans une PAC pleinement compatible avec les stratégies « De la ferme à la table » et « biodiversité » de l’UE, les paysan·ne·s n’auront pas les moyens d’atteindre ces objectifs. Demain, il n’y aura plus d’agriculture européenne si elle ne respecte pas les ressources naturelles, les sols, la biodiversité, le climat et les animaux d’élevage, qui lui permettent de produire. Les solutions pour cela sont à puiser dans le renforcement de l’autonomie des paysan·ne·s et dans la valorisation de leurs savoir-faire et des services qu’ils rendent à l’environnement et au bien-être animal, et non dans la massification de l’agriculture de précision ou dans l’industrialisation croissante de l’élevage.

    Monsieur le Président, notre monde a été bouleversé ces derniers mois. Les citoyen·ne·s ont saisi le rôle clé d’une autre PAC pour construire notre souveraineté alimentaire, comme l’ont montré les propositions récentes de la Convention citoyenne pour le climat. Les Français·es attendent de vous que la future PAC soit construite par et pour les paysan·ne·s et les citoyen·ne·s. Nous le redisons : le texte en discussion n’est pas à la hauteur des défis mis en lumière par la crise, ni du cap fixé par le Pacte vert. Nous attendons que vous défendiez une révision ambitieuse de la PAC, sans quoi la PAC perdrait toute légitimité auprès des citoyen·ne·s. Nous le savons, la voix de la France compte dans toute négociation sur l’agriculture européenne. Mettons-la au profit de cette occasion historique : les circonstances le permettent et les défis à relever sont urgents. C’est maintenant que les choix politiques qui s’imposent doivent être effectués.

    Nous restons à votre disposition pour tout échange et vous prions de croire, monsieur le président, à l’expression de nos salutations distinguées.

    Les signataires des 43 organisations membres de Pour une autre PAC :

    Luc de Ronne, président d’ActionAid France
    Philippe Hirou, président de l’Afac-Agroforesteries
    Jacques Caplat, secrétaire général d’Agir Pour l’Environnement
    Robert Levesque, président d’AGTER
    Marc Mangenot, administrateur des Amis de la Conf
    Khaled Gaiji, président des Amis de la Terre France
    Philippe Collin, président d’AVSF
    Maxime Combes, porte-parole d’ATTAC
    Julie Potier, directrice générale de Bio Consom’acteurs
    Anne-Françoise Taisne, déléguée générale du CFSI
    Dominique de Viviès et Jean-François Hivert, co-président·es de Chrétiens dans le monde rural
    Clémentine Nordon, co-responsable du Pôle Lobbying de Citoyens pour le Climat
    Leopoldine Charbonneaux, présidente de CIWF
    Marc Dufumier, président de Commerce Équitable France
    Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne
    Virginie Raynal et Paul Reder, co-présidents de la FADEAR
    Christophe Lépine, président de la Fédération des Conservatoires d’espaces naturels
    Michaël Weber, président de la Fédération des Parcs naturels régionaux de France
    Guillaume Riou, président de la FNAB
    Alain Grandjean, président de la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme
    Arnaud Schwartz, président de France Nature Environnement
    François Veillerette, directeur de Générations futures
    Jean-François Julliard, directeur général de Greenpeace France
    Arthur Grimonpont et Félix Lallemand, fondateurs des Greniers d’Abondance
    Bernard Chevassus-au-Louis, président d’Humanité et Biodiversité
    Tanguy Martin, administrateur d’Ingénieurs sans frontières – Agrista
    Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO
    Evelyne Boulongne, porte-parole du Miramap
    Cédric Letourneur, secrétaire national du MRJC
    Julien Kieffer et Pierre-Henri Roussel, coprésidents de RENETA
    Philippe Quirion, président du Réseau Action Climat
    Fabrice Bouin, président du Réseau CIVAM
    Pierre Tritz, président du Réseau Foi et Justice Afrique Europe
    Henri Rouillé d’Orfeuil, pilote du programme alimentation de RESOLIS
    Vincent Destival, délégué général du Secours Catholique — Caritas France
    Bastien Beaufort, représentant de Slow Food France
    Jacques Godard, co-président de SOL
    Michel Vampouille, président de la Fédération nationale de Terre de Liens
    Françoise Vernet, présidente de Terre & Humanisme
    Gilles Lanio, président de l’UNAF
    Ghislain Zuccolo, directeur général de Welfarm
    Isabelle Autissier, présidente du WWF France
    Sophie Marie, présidente de WWOOF France

    [1] La souveraineté alimentaire est entendue comme le droit de chaque peuple à définir son agriculture et son alimentation. Elle ne peut se penser en dehors d’une transition écologique et sociale systémique.
    [2] Adresse télévisée du président de la République aux Français·es du 12 mars 2020

    Photo Thijs ter Haar, CC BY.
  • Convention citoyenne pour le climat : face à l’urgence sociale et climatique, le gouvernement ne peut pas se dérober !

    Pendant neuf mois, à travers un exercice démocratique inédit, 150 citoyen·nes tiré·es au sort ont préparé une série de mesures visant la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 40 % d’ici 2030, dans un esprit de justice sociale. Pour aboutir à la neutralité carbone en 2050, il faudrait viser une réduction de 65 % des émission en 2030. Mais nous, organisations chrétiennes, tenons à saluer l’engagement des membres de la Convention citoyenne et la qualité des solutions proposées.

    Car il y a une double urgence sociale et environnementale à agir. Il y a cinq ans, déjà, dans son texte Laudato si’, le pape François soulignait que lutter contre la pauvreté et pour la protection de la planète relève d’une même dynamique car « il n’y a pas deux crises séparées, une environnementale et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale ».

    Partout, nos organisations le constatent : les plus pauvres sont les plus frappé·es par les dérèglements climatiques, alors qu’ils en sont les moins responsables. Nos partenaires internationaux nous rapportent combien la déforestation, la désertification, la raréfaction de l’eau potable, la vulnérabilité aux événements climatiques extrêmes, frappent de plein fouet les plus pauvres. En France même, les plus précaires ont moins de ressources pour s’adapter au dérèglement climatique, qui ne manquera pas d’accroître les inégalités.

    « Le défi urgent de sauvegarder notre maison commune inclut la préoccupation d’unir toute la famille humaine dans la recherche d’un développement durable et intégral, car nous savons que les choses peuvent changer » (pape François, Laudato si’). Et pour cela, il faut des actes.

    Le président de la République Emmanuel Macron s’était engagé à reprendre les propositions de la Convention citoyenne sans filtre. Or une semaine après la remise du rapport, le travail des 150 citoyen·nes est déjà menacé. Les trois « jokers » sortis par le chef de l’État lors de son discours du 29 juin (la limitation à 110 km/h sur l’autoroute, la taxation à 4 % des dividendes financiers et la réécriture du préambule de la Constitution) en masquent en réalité quelques autres. Ils ont aussi ouvert la voie à la remise en cause par le gouvernement d’autres propositions structurantes pour la baisse des émissions de gaz à effet de serre et la justice sociale. Il en va ainsi de l’obligation de rénovation globale des logements dès 2024 pour mettre fin aux passoires énergétiques, gouffres financiers pour les plus modestes, ou de la non-ratification du CETA, un traité pourtant incompatible avec le nécessaire changement de nos systèmes alimentaires, pour une alimentation de qualité et une agriculture moins émettrice. Autres mesures symboliques déjà contestées : la baisse de la TVA sur le train, alors que le trafic aérien lui fait une concurrence déloyale et que nombre de nos concitoyen·nes sont dépendant·es de la voiture, ou l’interdiction de la publicité sur les produits les plus polluants.

    L’ambition initiale de la Convention ne doit pas être vidée de son sens. Le président de la République doit tenir parole. Les mesures proposées par la Convention citoyenne pour le climat auraient pu de longue date être adoptées par nos dirigeants s’ils en avaient eu le courage politique. Elles doivent désormais être mises en place sans délai, à l’exclusion de toute mesure dilatoire. Nous appelons le gouvernement et les parlementaires à ne pas détricoter le travail de la Convention. Les préconisations ont été pensées sous forme d’objectifs et il est nécessaire de ne pas les morceler pour garder leur cohérence d’ensemble.

    La Convention citoyenne apporte des réponses concrètes pour nous permettre de franchir une première étape dans la réduction de nos émissions de gaz à effet de serre, nécessaire pour la construction d’un monde juste et soutenable pour tous. Il faut donc aller jusqu’au bout de la démarche et mettre en application sans filtre les propositions de la Convention citoyenne pour le climat.

    Signataires : Vincent Destival, délégué général du Secours catholique, Sylvie Bukhari-de Pontual, présidente du CCFD-Terre solidaire, Marcel Rémon, directeur du CERAS, Laura Morosini, responsable de Chrétiens unis pour la Terre, initiatrice du plan Climat pour Paris, Danielle Beauchet et Lionel Lecerf, présidente et président de l’ACO (Action catholique ouvrière), Dominique de Viviès et Jean-François Hivert, coprésidente et coprésident du CMR (Chrétiens dans le monde rural), Philippe Guttinger, président du Christianisme social, Olivier Bres, président du MPEF (Mouvement populaire évangélique de France)

    Texte paru dans La Croix le 10 juillet 2020.

    Marche pour le climat du 13 octobre 2018, Paris, par Jeanne Menjoulet, CC BY-ND.
  • Non à l’importation de viande bovine mexicaine en Europe. Oui à la souveraineté alimentaire, en Europe et dans le monde !

    Non à l’importation de viande bovine mexicaine en Europe. Oui à la souveraineté alimentaire, en Europe et dans le monde !

    Le 28 avril 2020, la Commission européenne a proposé un accord international permettant l’importation de 20 000 tonnes de viande bovine mexicaine en Europe, à droit de douane réduit. Cet accord doit à présent être voté par le Conseil des ministres de l’UE et par le Parlement européen.

    Cette proposition a fait réagir l’interprofession de la viande (Interbev) et les principaux syndicats agricoles en France, qui sont tous opposés à cette mesure, rappelant que jusqu’à présent, la viande bovine mexicaine était interdite d’importation en Europe faute de garanties suffisantes sur le plan sanitaire. De plus, la crise du Covid-19 a rappelé aux États l’importance de la souveraineté alimentaire en période de limitation des transports : pouvoir produire une alimentation de qualité localement est un atout.

    Au sein du mouvement Chrétiens dans le monde rural, nous sommes particulièrement sensibles aux questions agricoles et alimentaires. Avec les agriculteurs et agricultrices membres de notre association, nous avons à cœur de réfléchir, de débattre et d’agir pour des systèmes alimentaires durables. Le CMR soutient tous les agriculteurs et agricultrices : personne ne doit être laissé de côté. Mais nous ne soutenons pas tous les modèles agricoles.

    Encouragé-es par l’encyclique du pape François, Laudato si’, sortie il y a cinq ans, nous voulons réaffirmer nos aspirations au sujet de l’agriculture et l’alimentation et en particulier, aujourd’hui, sur la production et la consommation de viande.

    Notre politique de l’alimentation doit viser à diminuer notre consommation de viande, pour assurer à toutes les populations qui en ont besoin de manger une viande de meilleure qualité, produite localement, qui permette une digne rémunération des éleveurs. En France, les éleveurs de bovins-viande sont parmi les plus bas revenus. Leur nombre diminue. Leur disparition pourrait encore accroître notre dépendance vis-à-vis du marché mondial. De plus, l’élevage bovin permet le maintien de prairies, utiles à la biodiversité, à la gestion de l’eau et à la lutte contre le changement climatique, et à l’entretien des massifs de moyenne montagne.

    Nous nous opposons à la libéralisation des marchés internationaux qui orientent les systèmes agricoles vers des modèles non durables (déforestation, accaparement des terres, culture intensive du soja et du maïs, absence de traçabilité).

    Il est aussi nécessaire de se questionner sur ce paradoxe : ce sont parfois les mêmes personnes qui dénoncent les accords internationaux qui pénalisent nos producteurs, qui « en même temps » défendent à cor et à cri la vocation exportatrice de notre agriculture. Si nous sommes opposés à l’importation de viande bovine mexicaine en Europe, de la même manière, nous sommes solidaires des paysan-nes d’Afrique de l’Ouest victimes des exportations de poudre de lait de l’UE, encore aggravées depuis le Covid-19.

    La souveraineté alimentaire devrait être la pierre angulaire de toutes les politiques agricoles et alimentaires dans le monde. Elle est incompatible avec les traités de libre-échange. La défense de la souveraineté alimentaire est une expression de solidarité internationale.

    Nous encourageons donc les citoyens et les citoyennes à écrire aux eurodéputé-es à ce sujet.

    Anne-Marie Blanchard et Dominique de Vivies, co-présidentes du CMR

    Photo myri_bonnie, CC BY-NC-ND.
  • Les cloches sonnent pour le climat : re-démarrons autrement !

    Les cloches sonnent pour le climat : re-démarrons autrement !

    Semaine Laudato si’ 2020

    Cinq ans après Laudato si’

    Les cloches sonnent pour le climat : re-démarrons autrement !

    • Le 24 mai 2015 était publiée l’encyclique Laudato si’ sur la préservation de notre Maison commune.
    • En cette période inédite de bouleversement de nos modes de vie (relations aux autres, consommation, déplacements, travail) un nouveau chapitre peut s’écrire.
    • Le pape François appelle à se mobiliser pour une Semaine Laudato si’ du 16 au 24 mai à travers le monde, coordonné par le GCCM (Global Catholic Climat Mouvement).

    Que nous dit Laudato si’ ?

    • Nous avons besoin d’une conversion qui nous unisse tous, parce que le défi environnemental que nous vivons, et ses racines humaines, nous concernent et nous touchent tous. § 14
    • L’humanité est appelée à prendre conscience de la nécessité de réaliser des changements de style de vie, de production et de consommation, pour combattre ce réchauffement ou, tout au moins, les causes humaines qui le provoquent ou l’accentuent. §23
    • L’heure est venue d’accepter une certaine décroissance dans quelques parties du monde, mettant à disposition des ressources pour une saine croissance en d’autres parties. § 193
    • Dans la famille, on cultive les premiers réflexes d’amour et de préservation de la vie, comme par exemple l’utilisation correcte des choses, l’ordre et la propreté, le respect pour l’écosystème local et la protection de tous les êtres créés. § 213
    • Toutes les communautés chrétiennes ont un rôle important à jouer dans cette éducation à la contemplation reconnaissante du monde, à la protection de la fragilité des pauvres et de l’environnement. § 214

    Faisons sonner les clochers, mais aussi nos cloches, clochettes et smartphones !

    Nous proposons que les églises de France fassent sonner leurs cloches dimanche 24 mai à 20h00 et que tous fassent sonner des cloches chez eux, aux balcons, aux fenêtres, dans les jardins. Ces sonneries seront le signe de notre engagement pour dire notre désir de changer en profondeur au sortir de la crise sanitaire.

  • Lettre ouverte aux paysans français d’aujourd’hui et de demain

    Lettre ouverte aux paysans français d’aujourd’hui et de demain

    © Jonathan SARAGO / MEAE. CC BY-NC.

    Chaque année, le Salon de l’agriculture expose ses produits de terroir, ses charolaises aux robes rutilantes, ses paysans fiers de partager les fruits de leur labeur avec les consommateurs. Reflet d’une profession heureuse tout entière dédiée à la qualité, ou plutôt image idyllique qu’une partie de la profession souhaite renvoyer ? En réalité, paysans et non paysans s’accordent sur le caractère alarmant de la situation actuelle du secteur : revenus agricoles dramatiquement bas, conscience de la demande croissante des consommateurs pour une alimentation de proximité exempte de produits de synthèse et respectueuse du bien-être animal, absence de renouvellement générationnel des actifs agricoles, menace du dérèglement climatique et de l’érosion massive de la biodiversité sur les capacités de production du pays, raréfaction de la ressource en eau, etc.

    Rappelons toutefois que la Politique agricole commune subventionne massivement les agriculteurs européens. Fin 2020, sa réforme sera scellée à la fois au niveau européen et au niveau national. Cette réforme constitue la dernière opportunité pour redonner une voie d’avenir au secteur agricole sur la prochaine décennie, avant que des tendances irréversibles ne soient franchies (en termes de nombre d’agriculteurs comme en matière d’écologie). Si nous sommes capables de partager les constats, nous devons être capables de nous entendre sur les solutions à préconiser pour la PAC post 2020.

    C’est justement l’exercice conduit par la plateforme Pour une autre PAC, forte de l’expérience de terrain de nos organisations paysannes couplée à la prise en compte de tous les enjeux sur lesquels la PAC a un impact : accès à une alimentation saine, diversifiée et accessible à tous, dynamisme des zones rurales, renouvellement des générations, bien-être des animaux d’élevage, préservation de la biodiversité et de la ressource en eau, lutte contre le changement climatique, souveraineté alimentaire, santé publique. Entre monde paysan et représentants des citoyens, le dialogue, le partage d’une vision politique et la co-construction de propositions politiques sont possibles ! Ainsi, la plateforme Pour une autre PAC a élaboré un projet complet de réforme pour la PAC post 2020, à la fois ambitieux dans les choix politiques qu’il dessine et ouvert à tous les paysans, quelles que soient leurs pratiques actuelles. Il ne met de côté aucun des défis que la prochaine PAC devra relever – de l’encadrement des marchés agricoles à l’accompagnement de la transition agroécologique, car l’ensemble de la société est concerné par chacun d’entre eux.

    Dans le cadre des négociations pour la réforme de la PAC, un débat public sera lancé dimanche 23 février et ouvert jusqu’à fin mai. Il représente l’occasion d’éviter une fermeture sur lui-même du monde agricole, à l’heure où la société tout entière devrait considérer le caractère indispensable du travail des paysans et où le système agricole dans son ensemble doit être revu pour répondre à l’intérêt général. En effet, seule une réorientation du modèle agricole et alimentaire pourra sortir les agriculteurs de l’ornière dans laquelle ils se trouvent, prisonniers d’un système. Cependant, l’ampleur et le rythme des changements requis se heurtent à l’opposition farouche des représentants de certains syndicats agricoles et lobbies de l’agro-industrie, à l’image de récentes tentatives de réforme des politiques agricoles allant pourtant dans le sens d’une alimentation plus saine, plus respectueuse de l’environnement et du bien-être animal.

    Unissons-nous pour demander aux responsables politiques qui arpenteront les allées du Salon de l’agriculture dans les prochains jours d’oser une vraie réforme de la PAC ! Transformons-la en un nouveau PAACte (pacte fondé sur une Politique agricole et alimentaire commune) entre les paysans et la société, permettant tout à la fois aux premiers de vivre fièrement de leur métier et à leurs concitoyens de bénéficier des bienfaits de leur activité.

    Liste des 41 signataires et membres de la plate-forme :

    Organisations paysannes

    Afac – Agro-foresteries, Confédération paysanne, FADEAR, FNAB, MRJC, RENETA, Réseau CIVAM, Terre de liens, Terre et Humanisme, UNAF.

    Organisations de protection de l’environnement et du bien-être animal

    Agir pour l’environnement, CIWF, Fédération des CEN, Fédération des PNR,

    FNH, FNE, Générations futures, Greenpeace, Humanité et Biodiversité, Les Amis de la Terre, LPO, Réseau Action Climat, Welfarm, WWF.

    Organisations de solidarité internationale

    ActionAid France, Agter, ATTAC, CFSI, ISF-Agrista, SOL, Réseau Foi et Justice Afrique Europe.

    Organisations de citoyen·ne·s — consommateur·rice·s

    Bio Consom’acteurs, Citoyens pour le climat, CMR, Commerce équitable France, Générations Cobayes, Les Amis de la Conf, Miramap, Resolis, Secours Catholique, Slow Food.

    (1) La plateforme Pour une autre PAC rassemble 41 organisations paysannes, environnementales, de bien-être animal, de solidarité internationale et de citoyens-consommateurs.

    Cottenchy, petit village près d’Amiens sous une brume de pollution. Dominique Levesque, CC BY-ND.
  • Chrétiennes et chrétiens, nous sommes l’Église

    Chrétiennes et chrétiens, nous sommes l’Église

    «Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui » (1Co 12, 26).

    La santé du corps ecclésial est donc l’affaire de tous. Suite aux révélations de scandales dans l’Église, nous, mouvements d’action catholique, sommes témoins du désarroi de croyantes et croyants.

    Ceux-là perçoivent, au niveau de leurs espaces d’engagement, la perte de légitimité de l’Église pour intervenir dans les débats d’une société en crise. En particulier, nous pouvons témoigner que la façon d’organiser et de concentrer le pouvoir conduit à établir un rapport de domination qui blesse des êtres humains dans leur chair et dans leur foi. Notre remise en cause porte sur le fonctionnement de l’institution de l’Église qui est aussi source de souffrance pour de nombreux prêtres. « Quel est en effet le plus grand : celui qui est à table ou celui qui sert ? N’est-ce pas celui
    qui est à table ? Eh bien moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. » (Luc 22, 27) Parce que nous sommes tous égaux dans le baptême, nous ne pouvons plus accepter de dissocier clercs et laïcs dans les processus de décision. La coresponsabilité est une chance pour notre Église. Nous témoignons aussi de la richesse de la place des femmes dans les organes de direction et de décision de nos mouvements. Cette parité pleine et entière permet la complémentarité et l’ouverture sur le monde et les situations vécues. Elle est une chance pour nos mouvements et pourrait l’être pour toute l’Église. Les mouvements d’action catholique sont des lieux pour partager les joies et les difficultés, s’épauler, agir, prier et se nourrir de la Parole de Dieu. Ce lien entre nos vies et l’Évangile
    est signe d’espérance. Il nous fortifie dans la mise en place d’actions inscrites dans la pensée sociale de l’Église. Ancrés dans la société, les mouvements nous envoient au large, vers ceux qui sont exclus, éloignés, aux périphéries. Ils constituent un terreau d’accueil pour celles et ceux qui cheminent dans leur foi ou sont en recherche. Nous vivons cette expérience dans une réelle articulation entre prêtres et laïcs (femmes et hommes) dans le respect, l’apport et l’écoute mutuels. Ces relations démontrent qu’il existe au sein de l’Église d’autres approches de la gouvernance qui peuvent être source de fécondité et de fidélité à l’Évangile, parce qu’elles laissent la place à chacun et à chacune. Conscients de la diversité des baptisés et de l’urgence du travail de transformation ecclésiale, nous, mouvements d’action catholique, demandons qu’à tous les niveaux (évêques, prêtres, diacres, religieux, laïcs), des débats continuent de se déployer pour répondre à l’appel du pape François à rénover notre Église en souffrance.

    Nous proposons que ces débats portent sur :

    ● la gouvernance collégiale de l’Église, pour un meilleur enracinement dans la société,
    ● la place des laïcs, dont celle des femmes, dans le fonctionnement et la mission de
    l’Église,
    ● la formation des séminaristes en vue de leur collaboration avec les laïcs

    Nous sommes prêts à prendre notre place dans la transformation d’une Église humble, pleinement dans le monde, qui accepte de ne plus être exclusivement enseignante et autoréférencée mais d’être elle-même enseignée par le monde. Nous croyons que c’est ainsi que nous pourrions contribuer à revenir à la source de notre foi,
    l’Évangile, afin qu’il continue à désaltérer notre monde.

    Texte réalisé en intermouvement

  • Une quarantaine d’organisations catholiques répond à l’appel du pape et lance la démarche « Promesses d’Église »

    Une quarantaine d’organisations catholiques répond à l’appel du pape et lance la démarche « Promesses d’Église »

    Dominique Rouyer, Secrétaire Nationale du CCFD-Terre Solidaire, et Emmanuel Odin, de la Communauté de l’Emmanuel, ont présenté le 6 novembre 2019 aux évêques de France réunis à Lourdes la démarche « Promesses d’Eglise ». Cette démarche réunit une quarantaines d’associations, de communautés et de mouvements catholiques.

    « Promesses d’Église » est une démarche engagée depuis plusieurs mois par un groupe d’une quarantaine de responsables de mouvements d’Église, communautés et associations, pour répondre à l’appel du Pape François, dans sa lettre au peuple de Dieu d’août 2018.

    Ce message du Pape, faisant le lien entre abus sexuels, abus de pouvoir et abus de conscience et la nécessité de réagir face à ce que le Pape a appelé le cléricalisme (autant du fait des laïcs que des clercs) a fait prendre conscience à ces mouvements et associations catholiques de sensibilités très diverses qu’il était important de répondre à cet appel. Mais surtout qu’il était important de rassembler leurs forces et leurs diversités pour porter ensemble cette transformation ecclésiale à laquelle le Pape appelle.

    Nous avons entamé une démarche de réflexion avec le désir que les expériences vécues dans nos mouvements puissent aider à revoir les modes de gouvernance dans l’Église. Avec le souhait de se mettre au service de l’Église, de travailler en pleine collaboration avec les évêques et les prêtres.

    Télécharger le texte intégral de l’intervention de Dominique Rouyer, Secrétaire Nationale du CCFD-Terre Solidaire et Emmanuel Odin de la Communauté de l’Emmanuel à l’Assemblée des évêques de France

    Source : https://ccfd-terresolidaire.org/actualites/Promesses-d-eglise-6480

  • Je mange donc je vote

    Je mange donc je vote

    Tribune. La campagne des élections européennes s’achève. Elle n’aura que très peu abordé la Politique Agricole Commune, plus gros budget de l’Union Européenne. Pourtant, savoir si et comment nous pourrons nous nourrir demain est un enjeu primordial.

    La Politique Agricole Commune (PAC) représente près de 40% du budget de l’Union Européenne (UE). C’est la seule politique de l’UE qui nous touche aussi directement, chaque fois que nous mangeons. Prévue dans les deux ans à venir, sa réforme sera votée par les eurodéputé·e·s élu·e·s dimanche prochain. Elle déterminera rien de moins que notre capacité, ou non, à produire l’alimentation de 600 millions d’Européens de manière juste, saine et durable.

    Une nécessité à portée de vote

    Aujourd’hui, la grande partie des 58 milliards d’euros de budget annuel de la PAC est attribuée aux paysan·ne·s suivant des règles obsolètes et inéquitables, sans considérations sociales, éthiques ou environnementales. Résultat, elle n’incite pas à sortir du modèle productiviste du siècle passé qui a des conséquences désastreuses : chute drastique du nombre de paysan·ne·s, érosion de la biodiversité – notamment par l’utilisation massive de pesticides -, importantes émissions de gaz à effet de serre, pollution des sols et des eaux, et non-respect du bien-être animal.

    Cette situation n’est pas une fatalité, c’est un choix politique. Nos futur·e·s député·e·s européen·ne·s voteront la prochaine réforme de la PAC. Par son importance budgétaire, nous devons en faire un formidable levier de transformation du modèle agricole et alimentaire européen au bénéfice de toutes et tous. Pour cela, elle doit accompagner la transition agroécologique et soutenir l’agriculture biologique, organiser les marchés pour rémunérer décemment les paysan·ne·s tout en réaffirmant l’objectif de souveraineté alimentaire des peuples en Europe et ailleurs, et favoriser des pratiques d’élevage respectueuses du bien-être animal. Assurer la pérennité d’une alimentation saine et diversifiée accessible à toutes et à tous n’est pas une chimère : c’est une nécessité, à portée de vote.

    Proportionnelle et vote de conviction

    Au cours du mois de mai, la plateforme Pour une autre PAC a organisé une trentaine de débats partout en France avec les groupes locaux de nos organisations membres. Citoyen·ne·s, paysan·ne·s et candidat·e·s (plus de 70 !), y ont échangé sur ce sujet qui nous concerne tou·te·s : comment faire pour que le contenu de nos assiettes rémunère dignement les producteurs et productrices, tout en préservant la planète et notre santé ? Par ces rencontres, nous avons amené les candidat·e·s à s’emparer de ce sujet central.

    Notre conclusion à l’issue de ces débats : nombreuses sont les listes dont le programme inclut des mesures favorables à une agriculture plus écologique mais seulement certaines proposent une vision globale cohérente, c’est-à-dire qui ne soumet pas l’agriculture européenne au libéralisme économique et préserve le principe de solidarité de l’UE.

    Les élections européennes se font à la proportionnelle : il suffit qu’une liste obtienne 5% des voix pour qu’elle soit représentée au parlement européen. Une opportunité de voter pour un programme par choix, sans se demander si la liste qui le porte arrivera en tête.

    Le 26 mai, chaque vote aura un impact direct sur le contenu de nos assiettes, celles de nos enfants, en Europe et dans le monde. Dimanche, je mange donc je vote !

    Découvrir les 12 priorités de la plateforme Pour une autre PAC

    Parcourir les compte-rendus des tables de débat citoyen organisées partout en France

    Les 35 organisations signataires de cette tribune sont membres de la plateforme « Pour une autre PAC ». Elle réunit des organisations paysannes, de protection de l’environnement et du bien-être animal, de solidarité internationale et de citoyens et citoyennes engagés dans leurs modes de consommation. Ensemble nous portons une vision nouvelle pour la Politique Agricole Commune : juste, saine et durable.