Face à la crise économique, quels signes d’espérance ?

C’est devant une salle comble et sur l’invitation de 5 mouvements d’action catholique (ACI, ACO, CMR, les EDC et MCR) que l’évêque de Poitiers, Monseigneur Albert Rouet est intervenu le 20 mai dernier à Secondigny.

Dans un premier temps, David de l’ACI apporte son témoignage, son vécu face au contexte actuel. Il travaille dans une industrie qui emploie 500 personnes en France et à l’étranger. David s’occupe d’installer de nouveaux sites. Il est actuellement confronté à 3 situations :

  Il doit appliquer les directives de la direction et licencier certains de ces collègues.

  Il doit prendre la décision de se séparer de certains de ces collègues notamment à l’étranger.

 Il sait que d’autres licenciements auront lieu, peut-être sera-t-il le prochain licencié ?

Dans un deuxième temps, Albert Rouet est intervenu. Il a replacé la crise dans le contexte de la mondialisation et dans l’histoire. C’est une crise financière, économique, sociale et mondiale. Pourtant, même si cette crise touche la planète dans son ensemble et que l’on peu se sentir impuissant, le propos du Père Rouet pose la question : Et si nous pouvions quelque chose ? Le Père Rouet va donner 6 piliers d’une espérance possible.

L’analyse : A l’heure actuelle, 83 % de la production du monde appartient à 17% de la population du monde, ce système est foncièrement inégalitaire, il est entrain de se fracturer. Le système du marché libéral, néo-libéral tel qu’on le connaissait, ne peut pas répondre aux crises, en ajoutant davantage de néo-libéralisme.

S’engager : Le point le plus urgent, c’est de pousser, les responsables de nos pays à revoir les procédures en œuvre dans le maniement de l’argent.

Favoriser les corps intermédiaires : Notre société est organisée pour favoriser l’individualisme. Le but est de favoriser le commerce, la concurrence. Ensuite l’individualisme permet à l’État d’être en principe plus facile à gouverner (pas de groupes de pression ou d’ opposition constitués). Et la grande parade à l’individualisme, c’est de savoir aujourd’hui nous regrouper, il n’y aura pas d’espérance individuelle. Si nous sommes capables de demander à des corps intermédiaires que sont les syndicats, les partis politiques, les chambres de commerce… ) d’être réellement consistants, des choses seront possibles. « La France est le pays d’Europe occidentale le moins syndiqué, ne nous plaignons pas si au moment où l’on a besoin d’avoir des projets ou des contre-projets, on se sent un peu démuni.» Également voter nous donne des droits, le droit d’interroger les candidats, le droit de poser aux candidats des conditions, le droit de voir si les partis auxquels nous adhérons, pour lesquels nous votons ont un réellement un programme devant cette crise.

Modifier notre style de vie : Le taux d’emprunt était de 68 % en France en 2007 (pour comparaison il était de 145 % en Grande-Bretagne). On ne peut pas continuer à vivre d’emprunt. Donc notre style de vie doit nous mener vers une vie plus sobre. On pourra par exemple demander collectivement à l’échelle d’une commune, d’un canton, d’une communauté de communes, à voir comment mieux orienter notre style de vie. Il faut que l’argent soit investi pour le bien public.

Le problème social des salaires : Le rapport Cotty qui vient de sortir récemment, déclare que le revenu salarial moyen a quasiment stagné depuis 30 ans. Mais quand on regarde dans le détail, on s’aperçoit qu’une partie des salaires a diminué en pouvoir d’achat, et une partie a atteint des sommets injustifiables, autrement dit, la moyenne des salaires, ça ne veut rien dire. Ce à quoi, il faut veiller, c’est à une meilleure harmonisation des salaires, à une meilleure justice salariale et rééquilibrer le rapport entre l’argent qui va aux salaires et l’argent qui est rendu au capital qui est actuellement excessivement élevé par rapport aux dépenses globales d’une entreprise.

Si on prend, tout ce qui est produit en France, tout le travail productif en France, l’industrie, énergie comprise (gaz et électricité), ne compte que pour 14% du PIB. Presque 17 % en Grande-Bretagne et 26.5% en Allemagne. Nous sommes donc devenus progressivement un pays sous-producteur au profit essentiellement du tertiaire ce qui pose un problème énorme parce que, l’argent lui repose sur quelle réalité ? Remettre l’argent à sa place et ne pas voir une finalité d’abord spéculative. D’où l’importance de règles.

En conclusion. « Une espérance est possible si nous redonnons confiance à notre vie commune. »

Après l’intervention du Père Rouet, des carrefours ont été organisés, afin de permettre à chacun de s’exprimer en petits groupes. Des questions, des réactions ont émergé. Voici quelques réponses des intervenants.

« Il est important qu’entre l’Etat et ses services, et les individus, il existe des corps intermédiaires. C’est le seul moyen de regrouper des opinions, des actions, des combats différents pour leur donner consistance. Nous assistons aujourd’hui en France, à une fragilisation de ces corps intermédiaires. Ils ont été remplacés dans notre pays en bonne part par une réalité associative. Ces associations ont énormément d’avantages, mais le but d’une association n’est pas de soi de se préoccuper de la vie politique, de tel ou tel corps de métier. L’associatif a aussi la fragilité de ne se regrouper que pour un certain temps. »

« Il faut replacer l’homme au cœur de toutes les questions posées. »
« Les Etats-Unis vivent à crédits grâce à la Chine et aux pays du Golfe. On a la chance d’avoir fait l’euro, c’est une zone de protection, qui peut attirer des investisseurs en Europe. L’Europe est un signe d’espérance.

« Une réflexion écologique. Le Grenelle de l’environnement a révélé qu’il y a des pistes d’investissement très intéressantes en particulier dans l’habitat. On va pouvoir investir individuellement et cette somme d’investissements individuels est créatrice d’emplois et est respectueuse de l’environnement. »

« Il faut réaménager la consommation pour mieux équilibrer les dépenses personnelles et les dépenses collectives. Et surtout répartir la production en pensant aux pays du Sud. Les pays du Sud sont les plus grandes victimes de cette crise, en nuançant. Ce sont eux qui nous permettent d’avoir le train de vie que l’on a. Il faudra bien un jour réaménager cette répartition des richesses. »

« La société ce n’est pas une somme d’individus, c’est une organisation de personnes. Il y a des organisations qui favorisent la liberté et la dignité et il y a des organisations, qui blessent et qui annihilent la liberté et la dignité. »

« DEVENIR Homme : notre responsabilité commune, c’est de créer les conditions pour que chacun existe et c’est la vocation première d’un croyant. »

Pour conclure, Marc Taillebois (Service de communication du diocèse)revient sur les signes d’espérance égrenés au fil de cette rencontre:
« Mettre l’homme au centre – On peut quelque chose – Réhabiliter les corps intermédiaires – La justice dans les organisations-Remettre l’argent à sa place et ne pas voir une finalité d’abord spéculative (importance de règles) – Changer de direction quand on voit qu’on va dans le mur (conversion personnelle) – Collectivement, se battre pour tenir des institutions justes – Se battre pour que les systèmes collectifs qu’on a mis en place, les règles qui sont injustes et qui provoquent des dégâts graves sur le plan humain soient réformées- L’Europe-Le Grenelle de l’environnement– L’espérance fondée sur une promesse « Choisis la vie » – Dans la foi, il y a sans doute des ressources à aller puiser pour croire en une alliance que Dieu a confié à l’homme, de construire l’homme- Confiance et se lier – L’opportunité : « la crise est une opportunité pour passer à un état nouveau, la crise peut être une opportunité de faire autrement. »

Laétitia PRAT.